Condamné à tort, Marc Machin réclame 2 millions d’euros d’indemnisation
Par L’Obs, Publié le 16
Définitivement acquitté fin 2012 après avoir été condamné pour le meurtre du pont de Neuilly, Marc Machin a passé près de 7 ans en prison.
Marc Machin et son avocat Louis Balling le 2 mars 2010 au Palais de Justice de Paris. (AFP/ Olivier Laban-Mattei)
“J’ai récupéré ma dignité”. Tels avaient été en décembre 2012 les premiers mots de Marc Machin, alors âgé de 30 ans, à l’issue de son procès en révision devant la cour d’assises de Paris. Et l’annonce de son acquittement, sept ans après sa condamnation pour le meurtre du pont de Neuilly, qu’il n’a pas commis. “Je vais me consacrer à mes objectifs, les concrétiser”, avait-il confié. Ses projets, il les voyait ainsi : “Avoir une vie normale : un travail, une maison, une femme…” Lundi 16 juin, près d’un an et demi après que la justice l’a reconnu victime d’une erreur judiciaire et réhabilité, sa demande d’indemnisation est examinée par la cour d’appel de Paris. Son avocat Louis Balling, comme l’indique notamment “Le Parisien“, demande un peu moins de 2 millions d’euros.
“Un juste prix”
Une somme “conséquente” admet l’avocat de Marc Machin, contacté lundi par “Le Nouvel Observateur”. Mais en adéquation, selon lui, avec le préjudice subi. “C’est un juste prix”. Et le conseil du jeune homme de rappeler “les années passées derrière les barreaux” -presque 7-, “l’opprobre d’une condamnation pour des faits si lourds” -le meurtre d’une femme à coups de couteau, le 1er décembre 2001, au Pont de Neuilly (Hauts-de-Seine)- et “le poids de vivre avec cela”. Sans compter la constance de “l’inquiétude, pendant toutes ses années : l’instruction, le premier jugement, le second…” Placé en garde à vue à 19 ans pour le meurtre de cette femme pour lequel il passe d’abord aux aveux, Marc Machin est placé en détention provisoire le 15 décembre 2001. Par la suite, celui dont le casier comporte des actes de violence et deux agressions sexuelles se rétracte. Aucune expertise ADN ne le met en cause, une autre femme a été tuée au même endroit quand il se trouve en détention provisoire, mais il est condamné deux fois. En 2004, puis en 2005, à 18 ans de réclusion criminelle.
Marc Machin doit très vraisemblablement son acquittement et sa réhabilitation à David Sagno, un SDF qui s’est accusé des deux meurtres en mars 2008. Il donne des détails, son ADN est relevé sur les victimes. La procédure de révision de la condamnation de Marc Machin est enclenchée. Il sort de prison le 7 octobre 2008. Il devra toutefois attendre avril 2010 pour que la Cour de révision annule sa condamnation et ordonne un nouveau procès qui le blanchira définitivement. Lors de son procès en révision, Marc Machin avait confié être logé à Paris par une association. Et être sans emploi. Depuis ? “C’est compliqué”, livre seulement, laconique, son avocat. Les projets de son client sont aujourd’hui les mêmes que ceux alors exprimés, confirme Louis Balling : “Se former, avoir une activité professionnelle, peut-être quitter Paris, trouver un logement…” Et de résumer : “Se construire un peu”.
Un million d’euros pour Patrick Dils
Comme il l’indiquait début juin à “RTL“, l’avocat de Marc Machin, qui demande précisément la somme de 1.997.000 euros, estime notamment à un million d’euros le préjudice dû aux années de détention de son client, à 800.000 euros son préjudice moral global, et à un peu plus de 100.000 euros, entre autres, les conséquences de l’affaire sur son opportunité à suivre une formation professionnelle, à trouver un emploi. Cependant, toujours selon la radio, dans ses conclusions transmises au premier président de la cour d’appel de Paris, le représentant de l’Etat estimerait pour sa part l’indemnisation de l’erreur judiciaire dont a été victime le jeune homme à une somme bien moindre : 150.000 euros.
Avant Marc Machin, Loïc Sécher, condamné à tort pour viol, qui a également injustement passé sept ans derrière les barreaux, s’est vu indemniser à hauteur de 800.000 euros pour son préjudice matériel et moral.
Patrick Dils, également condamné à tort pour le double meurtre de deux enfants à Montigny-les-Metz en 1986 sera acquitté en avril 2002 par la cour d’assises de Lyon. Sorti de prison à 31 ans, il a passé 14 ans derrière les barreaux. Il a été indemnisé à hauteur d’un million d’euros. Huitième personne reconnue par la justice comme victime d’une erreur judiciaire, Marc Machin devra encore patienter avant de connaître le montant de la somme qui lui sera octroyée. L’examen de sa demande est prévu ce lundi à 14 heures. La décision sera, selon son avocat, “probablement” mise en délibéré.
R. – Le Nouvel Observateur