Marc Machin sur la voie de la réhabilitation

Par le Figaro, Mis à jour le 17

Son procès en révision s’est ouvert lundi devant la cour d’assises de Paris. L’accusé, qui comparait libre, avait été condamné à 18 ans de réclusion pour un meurtre commis en 2001, dont l’auteur véritable a été démasqué en 2008.

Le problème de Marc Machin, c’est qu’il avait la tête de l’emploi. Aussi, quand les policiers l’interpellent, quelques jours après le meurtre de Marie-Agnès Bedot, tuée à coups de couteau, le 1er décembre 2001, sur le pont de Neuilly (Hauts-de-Seine), pensent-ils rapidement tenir le coupable.

Condamné deux fois pour ce crime à dix-huit années de réclusion criminelle, Marc Machin, 30 ans, comparaît pour la troisième fois devant une cour d’assises, à Paris. Son procès en révision s’est ouvert lundi matin devant la cour d’assises de Paris. L’accusé, qui comparaît libre assisté de Me Louis Balling, avait été condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour un meurtre, dont l’auteur véritable a été démasqué en 2008.

Le crâne rasé, abordant un collier de barbe, Marc Machin, 30 ans, est un costaud vêtu d’une chemise bleue et d’un pull gris. La salle est comble. Un groupe scolaire a fait le déplacement pour cet événement judiciaire – le huitième procès en révision depuis 1945. D’une voix assurée, debout au micro, Marc Machin décline son état civil à la présidente, réticent toutefois à donner l’adresse de l’association qui l’héberge, «à cause des médias». Puis se rassied devant le box. Sauf surprise considérable, le procès doit s’achever vendredi par son acquittement.
Son avocat, Me Louis Balling, plaidera l’acquittement avec d’autant plus de confiance que son client est l’un des huit condamnés français, depuis 1945, à bénéficier d’une procédure en révision. Il ne doit pas sa chance au bénéfice du doute mais à celui de la certitude: le véritable tueur du pont de Neuilly – il a tué deux jeunes femmes, Marie-Agnès Bedot et Maria-Judith Araujo, à cet endroit – s’est dénoncé en 2008. Des expertises génétiques ont authentifié les dires de David Sagno, qui a écopé de trente ans de réclusion criminelle en février 2012.
Reste à réhabiliter Marc Machin. Comment l’institution judiciaire, si réticente à admettre ses erreurs, va-t-elle s’y prendre? On se souvient qu’au procès en révision de Loïc Sécher, injustement condamné pour des viols sur mineures qu’il n’avait jamais commis, l’avocat général, François-Louis Coste, avait présenté avec panache un admirable mea culpa collectif qui avait unanimement apaisé l’audience mais suscité les grincements de dents de sa hiérarchie. Il revient à présent à Maryvonne Caillibotte, qui occupa naguère de hautes fonctions à la Chancellerie (directeur des affaires criminelles et des grâces), de représenter le ministère public face à un accusé contre lequel plus aucune charge ne pèse.

Une petite frappe

L’exercice est d’autant plus intéressant que M. Machin n’est pas un saint – c’est en partie pour cela qu’il avait été suspecté. Confié à la Ddass lorsqu’il avait 5 ans, il est violé par un adolescent dans sa famille d’accueil. Quelques années plus tard, il suit un parcours désespérément classique de petite frappe, avec le casier judiciaire qui va avec. Lorsqu’à 19 ans, les policiers l’arrêtent sur la base d’un témoignage pour l’affaire du pont de Neuilly, ils obtiennent sans trop de mal des aveux – épisode édifiant raconté en détail par la journaliste Valérie Mahaut dans Une erreur judiciaire presque parfaite (1). Marc Machin se rétracte, mais trop tard, le poids de l’aveu l’attire au fond du gouffre. Sans le sursaut providentiel de David Sagno, il serait encore en prison.

Libéré en octobre 2008 dans l’attente de ce procès, il y est retourné huit mois plus tard, pour trois agressions sexuelles. «J’étais rattrapé par mes vieux démons, ma colère et ma frustration ont pris le pas sur ma réflexion», déclarera-t-il au tribunal. Démons qui ne le lâchent pas d’une semelle, puisqu’il ne respecte pas l’obligation de suivi qui accompagnait sa libération conditionnelle de décembre 2011: la réincarcération est immédiate et logique.

De nouveau libre depuis peu, l’homme au parcours chaotique est à la recherche, selon Me Balling, d’une formation dans le secteur du bâtiment. Il espère aussi que l’indemnisation qui devrait lui être allouée pour sept années de détention abusive l’aidera à repartir dans la vie d’un meilleur pied. Et puis Marc Machin songe à changer de patronyme après l’acquittement, comme s’il avait besoin, pour trouver enfin la sérénité, de se raccrocher à un nom propre.

(1) Éditions du Moment, 235 pages, 17,95 €.

Par Stéphane Durand-Souffland – Le Figaro

Précédent
Article suivant