Marc Machin attend “l’éclatante reconnaissance de son innocence”

Par Le nouvel Obs, Publié le 17

Le procès en révision de Marc Machin s’est ouvert lundi devant la cour d’assises de Paris. Il a fait sept ans de prison pour un meurtre commis par un autre.

Il se lève, lance à la salle un regard plein de défiance, et se poste à la barre, bras croisés, posture assurée. “Je suis le deuxième d’une fratrie de trois enfants.”

Pantalon noir, pull bleu sur une chemise de la même couleur, Marc Machin, 30 ans, les cheveux ras, doit une nouvelle fois se raconter, lundi 17 décembre en début d’après-midi, au premier jour de son procès en révision aux assises de Paris. Sur son enfance d’abord, qu’il dit lui-même “douloureuse”. Le divorce de ses parents qu’il a “très mal vécu”, le décès de sa mère en 1991, puis son placement dans une famille d’accueil, à 6-7 ans, où il “a subi ce qu’il a subi”, des abus sexuels de la part d’un adolescent placé dans la même famille.

Il ne trouve un “climat familial et serein” qu’avec ses grands-parents. “Je travaillais à l’école, je faisais du sport, des activités”. Mais sa grand-mère, malade, meurt en 1994, quand il a 12 ans. L’évoquer lui est difficile. Il laisse couler quelques larmes: “tout s’est effondré.” Quand Marc Machin a 13-14 ans, il retourne vivre avec son père, à Paris. C’est à ce moment-là, confie-t-il à la cour, que “ça a dégénéré.”

“J’étais trop écorché, révolté envers la société”

“J’ai séché les cours, commis des petits vols à l’étalage, fumé mon premier joint, la spirale infernale.” Il arrête l’école en 5e. “J’étais trop écorché, révolté envers la société.” A cet instant, Josette, une visiteuse de prison avec laquelle il s’est lié d’amitié, présente à l’audience, quitte la salle, trop émue. Il résume ainsi sa difficile relation avec son père dont il porte le nom : “Je sais qu’il m’aime, je l’aime aussi, mais il n’a jamais su trouver la bonne solution”.

Le jeune homme évoque ensuite pêle-mêle sa personnalité “assez caractérielle et impulsive”, sa passion pour les animaux et la variété française, et ses aspirations actuelles “à une vie meilleure et positive”, même s’il sait que “ça va prendre du temps.” “Je veux faire le bien autour de moi, je sais que j’en suis capable” livrera-t-il un peu plus tard à la barre. Mais il a besoin, pour cela, “de la reconnaissance éclatante de son innocence”. Marc Machin attendait ce procès “avec impatience” et “depuis longtemps.”

“Depuis les rebondissements de l’affaire et la vérité qui a éclaté sur l’erreur judiciaire, ça fait quatre ans. C’est long, pesant, après c’est la procédure de la justice donc il faut respecter cela” confiait-il en fin de matinée à la presse.

Marc Machin, dont la condamnation pour le meurtre du Pont de Neuilly a été annulée, – un autre homme, David Sagno, ayant été condamné pour ces faits -, devrait devenir la huitième personne, en France, depuis la Seconde guerre mondiale, à être acquittée d’un crime après un procès en révision. Interrogé par la cour dans la matinée, celui qui est sans emploi “pour le moment” hésite d’abord à dire où il vit, “pour les médias”. Puis confie aller d’hôtel en hôtel, aidé par une association.

La présidente Blandine Froment est revenue en détails sur son parcours judiciaire. Quand il a avoué, en garde à vue, le meurtre de Marie-Agnès Bedot, tuée à coups de couteau au Pont de Neuilly le 1er décembre 2001, le jeune homme de 19 ans a déjà fait l’objet de deux condamnations pour agressions sexuelles. Et commis des actes de violence. Comme des menaces à l’aide d’un couteau contre un éducateur dont il n’aurait pas apprécié l’attitude envers son jeune frère.

David Sagno témoignera au procès mercredi

Après ses aveux, Marc Machin est mis en examen et incarcéré. Sept ans. Avant que David Sagno ne se constitue prisonnier et s’accuse du meurtre de Marie-Agnès Bedot ainsi que du meurtre d’une autre femme, au même endroit, alors que Marc Machin est incarcéré. Condamné à 30 ans de prison en février 2012, David Sagno purge actuellement sa peine. Mais il sera extrait de sa cellule mercredi après-midi pour être entendu au procès. Un témoignage sur lequel la cour peut compter, contrairement à ceux du commissaire de la Brigade Criminelle Jean-Claude Mulès, du juge d’instruction Thierry Bellancourt et de cette femme dont le témoignage avait été important dans l’enquête, qui avait affirmé être “quasi certaine” d’avoir vu Marc Machin sur le Pont de Neuilly la nuit du crime.

Bien que l’avocat de Marc Machin, Louis Balling s’en soit indigné, le commissaire Mulès, qui a extorqué les aveux, a fait parvenir à la cour une attestation médicale prouvant ses problèmes de santé. Estimant son témoignage “essentiel”, Me Balling a demandé qu’il soit entendu par visioconférence. Le juge d’instruction est en arrêt maladie depuis début octobre, et le témoin n’a pas répondu à sa convocation.

Ce qui n’a pas manqué d’agacer l’avocat de Marc Machin : “On a tous envie, ici, d’essayer de comprendre, et vous êtes en train de nous dire que les acteurs du dossier ne seront pas entendus.” D’un ton ferme et déterminé, il a alors rappelé le caractère “exceptionnel” du procès : “c’est rarissime qu’on accuse quelqu’un alors que quelqu’un d’autre a été condamné et incarcéré pour ces faits, ce qui permet une certaine quiétude, mais aussi beaucoup de questions.” L’avocat aux longs cheveux et aux lunettes noires avait également rappelé un peu plus tôt que “si ce procès était évidemment celui de Marc Machin, c’était aussi celui de la compréhension d’un mécanisme judiciaire qui dérape.”

“Pourquoi ne m’avez-vous jamais parlé de cet entretien ?”

Le même confiait sa “surprise” quant à l’absence de ces témoins. Il n’a pas été moins surpris quand le père de Marc Machin s’est exprimé à la barre en fin d’après-midi. Complet sombre et cravate claire, cet ancien policier à la retraite a assuré, pour la première fois selon l’avocate générale Maryvonne Caillibotte et Me Balling lui-même, que son fils était revenu sur ses aveux, auprès de lui, quelques heures seulement après les avoir confiés aux policiers. Alors que Marc Machin ne s’est officiellement rétracté qu’en janvier devant la juge d’instruction. “Pourquoi ne m’avez-vous jamais parlé de cet entretien ?” lui a demandé l’avocat. Et Marc Machin père de répondre : “Ça aurait changé quelque chose ?”

Celine Rastello

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